Monstrueux John Carpenter. L'esthétique outrancière et démente des années '80, de mes années, m'aura autant horrifié qu'amusé. Cette espèce de symbiose étrange entre la chair et le plastique, le fond bleu et les maquettes, le sang qui gicle en grosse quantité et le mannequin de cire. Ça ne sera jamais dépassé dans mon cœur, ça me fera toujours me sentir chez moi, au mieux, ça m'hallucinera parfois peut-être, surtout s'il s'agit d'un film de l'exquis John Carpenter.
The Thing est merveilleux, d'horreur, d'amour pour le cinéma et pour ses spectateurs. C'est si consciencieux, si évident et pourtant quelle démesure, quel génie. En plus la BO d'Ennio Morricone est sûrement la plus belle de tous les temps. On remet les choses en place : en Antarctique, Kurt Russell et ses copains s'ennuient à prélever des échantillons et à entreprendre des recherches scientifiques sans grand intérêt. Du moins c'est ce qu'on suppose car ils s'ennuient vraiment beaucoup. Jusqu'à ce qu'un hélicoptère plein de Norvégiens les sortent de leur léthargie, tournent en rond autour de leur campement, et que ces derniers tentent de dégommer leur chien à coup de fusil. Hilarité, incompréhension et explosion de genou seront au rendez-vous. Monument de mise en scène, sans aucun surplus, et pourtant Carpenter réussit le tour de force d'introduire n'importe lequel de ses personnages, aussi petit et banal soit-il, avec considération et humour : un cuisinier à roller, des scientifiques qui jouent au billard et qui fument, tout est prétexte à réunion et à promiscuité. Jusqu'à ce qu'éclose The Thing, la terrible chose sans nom, et qu'elle prenne les traits de chacun d'entre eux pour mieux les décimer.
Car il y a aussi de ça, comme toujours chez Carpenter, ce qui doit lui valoir d'être taxé de monstrueux communisme aux Etats-Unis, une certaine idée du syndicalo-terrorisme s'exprime dans The Thing. Film d'horreur en soit, classique du genre, comme tout exercice maîtrisé il dépasse, de lui-même et parfois peut-être un peu par accident (comme le majestueux Texas Chain Saw Massacre de Tobe Hopper, grand film socialiste) son domaine pour explorer l'humain, non pas sa psyché mais ses tripes. Face à une menace non identifiée que deviendra l'homme, comment réagira-t-il en petit comité, comment arrivera-t-il à se retrancher sur lui-même et mettre en route son système de survie (là encore à l'image des admirables films de M. Night Shyamalan dont je finirais probablement par parler un jour). S'il est tant mal aimé depuis bientôt 40 ans sur son territoire c'est que la critique, tout comme pour le très indiscipliné Joe Dante, s'est toujours borné à ne voir en Carpenter qu'un réalisateur de films de série B, qui ne pourra donc jamais faire de films majeurs de la classe A mis à part s'il change son attirail, met ses monstres et ses horreurs au placard.
Ambiguïté d'un pays où la critique est mortellement ennuyeuse, aveugle et cul-de-jatte. Sans grand explorateur du cinéma depuis très longtemps ; ceux qui mettent les mains dans le cambouis et qui sont prêts à désosser un film pour en tirer le meilleur et le riche. Même des films de Carpenter. Alors que du côté de chez nous tous les artistes continuent à clamer qu'en France on ne peut sortir de son cadre rigide, on est chanteur on le reste, on ne devient pas autre chose, là où les Etats-Unis te permettent de devenir ce que tu veux et de te recycler indéfiniment. Petit soulagement, même malgré la baisse de régime de la plupart des grands magazines de cinéma français, nous conservons ces francs-tireurs, cette frange populaire, sur internet notamment mais pas seulement. Ahah j'ai un peu l'air de m'auto-féliciter alors continuons.
C'est pour l'horreur humaine que Carpenter transfigure et subjugue. Quelque chose de terrible, de vrai, mais d'infinitésimal, se fait passer pour humain et le mime. A ce stade cela pourrait être n'importe quoi ; encore mieux : il s'agit d'un extraterrestre. Kurt Russell se fera balader de compagnon en compagnon, qui auront tous l'air très sympathiques mais qu'on aura à peine le temps de connaître pour tout de suite s'intéresser à leur infection. Kurt Russell sera le seul rempart face à ce monstre collectif, cet esprit grandissant, jusqu'à peut-être succomber lui aussi. De ce fait, esprit fasciste ou progressiste, le monstre colonisera l'humain et tentera toujours vainement de se défendre sans jamais réellement attaquer. Et Kurt Russell d'être prêt à sacrifier sa vie pour mettre fin aux agissements de cette chose, idée populaire galopante, avatar politique, subjugué et transfiguré donc en bagarreur anarchiste flamboyant, poussant la destruction jusque dans ses derniers retranchements pour anéantir un esprit, l'opposition qui devient majoritaire, qu'il ne comprend pas et qu'il juge dangereux. John Carpenter n'a de cesse dans ses films de bâtir sa réputation et de répondre par avance à ses détracteurs, de combattre, et s'il n'est pas fou il le deviendra un peu parfois. Lui qui a toujours dit faire du cinéma pour lui-même.
Dans They Live il y a John Nada, symbole d'une Amérique des laissés pour compte, qui met la main sur de belles lunettes noires. En plus de lui donner un look terrible elles lui permettent de voir le vrai visage de l'Amérique : elle est contrôlée en sous-main par des extraterrestres belliqueux qui ont bâtis ou profitent du système, la bourse, les grands magasins, se reproduire et devenir eux aussi des américains. Mais il y a, encore une fois, plus intéressant dans They Live que la charge féroce de Carpenter envers le grand capital (mis tout de même en images dans une splendide scène de rafle policière d'un camp de pauvres travailleurs sans logis, très futuriste, feu et bruits de mitraille). John Nada, ce zéro, ce demeuré, se contentera d'un artifice aussi dérisoire et cool que des lunettes pour lui dicter sa conduite. Endoctriné, il s'armera d'un fusil pour descendre tous ceux que les lunettes lui désignent, femmes et enfants, là encore souvent vulnérables et sans défense.
Il visera une certaine American way of life, opulente et fière, qu'il s'efforcera de faire taire coûte que coûte. Créer une menace là où il n'en existait pas. Sans les lunettes il n'y aurait jamais eu de guerre et de John Nada. Mais non, ces gens, ceux qui vous toisent de haut, ce sont des monstres, des extraterrestres, ils ne sont plus humains donc ils doivent être abattus. Dérive tout aussi inquiétante, Carpenter ne fait pas seulement que réciter comment un jeune travailleur se révolte face à la classe haute et dirigeante de son pays. On créera une cible pour John Nada, une ennemi invisible, et ce dernier se laissera aller à une véritable folie meurtrière, assassinera ceux qui ne partagent plus les mêmes valeurs et les mêmes idées que lui. Un dangereux criminel bâti sur les cendres des corps brûlés des pauvres camarades travailleurs, certes, mais qui peu à peu deviendra sociopathe, cloîtré, réduit sur lui-même, pour finalement tomber dans une psychose armée et militante. Carpenter observe et déclame, mais au bout du compte ne se fait pas chantre politique d'une cause ou d'une autre. Pour lui, et il n'aura de cesse de nous le répéter, la menace est de tout bord.
Car il y a aussi de ça, comme toujours chez Carpenter, ce qui doit lui valoir d'être taxé de monstrueux communisme aux Etats-Unis, une certaine idée du syndicalo-terrorisme s'exprime dans The Thing. Film d'horreur en soit, classique du genre, comme tout exercice maîtrisé il dépasse, de lui-même et parfois peut-être un peu par accident (comme le majestueux Texas Chain Saw Massacre de Tobe Hopper, grand film socialiste) son domaine pour explorer l'humain, non pas sa psyché mais ses tripes. Face à une menace non identifiée que deviendra l'homme, comment réagira-t-il en petit comité, comment arrivera-t-il à se retrancher sur lui-même et mettre en route son système de survie (là encore à l'image des admirables films de M. Night Shyamalan dont je finirais probablement par parler un jour). S'il est tant mal aimé depuis bientôt 40 ans sur son territoire c'est que la critique, tout comme pour le très indiscipliné Joe Dante, s'est toujours borné à ne voir en Carpenter qu'un réalisateur de films de série B, qui ne pourra donc jamais faire de films majeurs de la classe A mis à part s'il change son attirail, met ses monstres et ses horreurs au placard.
Ambiguïté d'un pays où la critique est mortellement ennuyeuse, aveugle et cul-de-jatte. Sans grand explorateur du cinéma depuis très longtemps ; ceux qui mettent les mains dans le cambouis et qui sont prêts à désosser un film pour en tirer le meilleur et le riche. Même des films de Carpenter. Alors que du côté de chez nous tous les artistes continuent à clamer qu'en France on ne peut sortir de son cadre rigide, on est chanteur on le reste, on ne devient pas autre chose, là où les Etats-Unis te permettent de devenir ce que tu veux et de te recycler indéfiniment. Petit soulagement, même malgré la baisse de régime de la plupart des grands magazines de cinéma français, nous conservons ces francs-tireurs, cette frange populaire, sur internet notamment mais pas seulement. Ahah j'ai un peu l'air de m'auto-féliciter alors continuons.
C'est pour l'horreur humaine que Carpenter transfigure et subjugue. Quelque chose de terrible, de vrai, mais d'infinitésimal, se fait passer pour humain et le mime. A ce stade cela pourrait être n'importe quoi ; encore mieux : il s'agit d'un extraterrestre. Kurt Russell se fera balader de compagnon en compagnon, qui auront tous l'air très sympathiques mais qu'on aura à peine le temps de connaître pour tout de suite s'intéresser à leur infection. Kurt Russell sera le seul rempart face à ce monstre collectif, cet esprit grandissant, jusqu'à peut-être succomber lui aussi. De ce fait, esprit fasciste ou progressiste, le monstre colonisera l'humain et tentera toujours vainement de se défendre sans jamais réellement attaquer. Et Kurt Russell d'être prêt à sacrifier sa vie pour mettre fin aux agissements de cette chose, idée populaire galopante, avatar politique, subjugué et transfiguré donc en bagarreur anarchiste flamboyant, poussant la destruction jusque dans ses derniers retranchements pour anéantir un esprit, l'opposition qui devient majoritaire, qu'il ne comprend pas et qu'il juge dangereux. John Carpenter n'a de cesse dans ses films de bâtir sa réputation et de répondre par avance à ses détracteurs, de combattre, et s'il n'est pas fou il le deviendra un peu parfois. Lui qui a toujours dit faire du cinéma pour lui-même.
Dans They Live il y a John Nada, symbole d'une Amérique des laissés pour compte, qui met la main sur de belles lunettes noires. En plus de lui donner un look terrible elles lui permettent de voir le vrai visage de l'Amérique : elle est contrôlée en sous-main par des extraterrestres belliqueux qui ont bâtis ou profitent du système, la bourse, les grands magasins, se reproduire et devenir eux aussi des américains. Mais il y a, encore une fois, plus intéressant dans They Live que la charge féroce de Carpenter envers le grand capital (mis tout de même en images dans une splendide scène de rafle policière d'un camp de pauvres travailleurs sans logis, très futuriste, feu et bruits de mitraille). John Nada, ce zéro, ce demeuré, se contentera d'un artifice aussi dérisoire et cool que des lunettes pour lui dicter sa conduite. Endoctriné, il s'armera d'un fusil pour descendre tous ceux que les lunettes lui désignent, femmes et enfants, là encore souvent vulnérables et sans défense.
Il visera une certaine American way of life, opulente et fière, qu'il s'efforcera de faire taire coûte que coûte. Créer une menace là où il n'en existait pas. Sans les lunettes il n'y aurait jamais eu de guerre et de John Nada. Mais non, ces gens, ceux qui vous toisent de haut, ce sont des monstres, des extraterrestres, ils ne sont plus humains donc ils doivent être abattus. Dérive tout aussi inquiétante, Carpenter ne fait pas seulement que réciter comment un jeune travailleur se révolte face à la classe haute et dirigeante de son pays. On créera une cible pour John Nada, une ennemi invisible, et ce dernier se laissera aller à une véritable folie meurtrière, assassinera ceux qui ne partagent plus les mêmes valeurs et les mêmes idées que lui. Un dangereux criminel bâti sur les cendres des corps brûlés des pauvres camarades travailleurs, certes, mais qui peu à peu deviendra sociopathe, cloîtré, réduit sur lui-même, pour finalement tomber dans une psychose armée et militante. Carpenter observe et déclame, mais au bout du compte ne se fait pas chantre politique d'une cause ou d'une autre. Pour lui, et il n'aura de cesse de nous le répéter, la menace est de tout bord.
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