mercredi 28 juillet 2010

Christopher Nolan - Inception (2010)



Je comprends. Il serait très facile d'oublier Inception et de ne pas en faire un film important. C'était un film très malin, bien, maintenant passons à autre chose. Pourtant un tel appel à la rigueur, à l'observation totale, une si belle idée que celle de vouloir implanter une idée dans l'esprit de quelqu'un, pour finalement ne s'intéresser qu'aux morts et aux amoureuses, mon respect est entier. Il y a quelques choses qui me gênent, comme l'incroyable musique d'Hans Zimmer qui me secoue mais finit par perdre son rôle inhérent à la musique diégétique : elle ne souligne plus, ne met plus en exergue ou de côté, elle ne fait que se répéter et se répéter jusqu'à dépasser de partout. Et ainsi tente de me faire croire que chaque instant du film est vital, alors que non, bien évidemment. Des pataquès comme ça le film en est truffé jusqu'à la moelle. Sa technique, sa symétrie, ses rêves découpés en couches, en strates. C'est étouffant. Mais d'un parti pris qui me fascine.

Finalement Inception c'est un film assez sage et posé : les scènes d'actions consistent en de bêtes fusillades voire quelques scènes en apesanteur. Là où Michel Gondry croit que les rêves de tout le monde sont fait de carton-pâte et de chewing-gum Christopher Nolan ne tente à aucun moment de verser dans l'onirisme ou de se mettre dans une posture à la David Lynch ; ici on se promène dans un rêve comme dans la réalité. On se tue, on meurt, on se réveille, on s'endort, tout ça participe d'un grand et seul même mouvement. On explore on s'enfonce toujours en laissant quelqu'un derrière. Ça a tout du grand film d'aventure : constitution d'une dreamteam, un panel de décors anonymes du bout du monde, une mission perdue d'avance qui tournera mal (et dont on finira par oublier les enjeux, ou du moins s'en désintéresser). Pour retomber sur ses pattes oui, avec cette histoire d'amour damnée, ce Matrix à l'eau de rose, mais ici tellement moins arrogant. Chaque univers est à quelqu'un, on peut faire partie de celui d'un autre ou du sien.

Quelques idées sont à peine esquissées mais ça me suffit pour me convaincre : une vie passée ensemble, en rêve, c'est aussi une vie passée ensemble en réalité. Nolan renoue avant tout avec Memento, ses premiers amours, l'idée d'une mémoire malade et falsifiable, salmigondis de souvenirs et de fantasmes, qu'on utilise comme dernier rempart face à la folie, comme prison dorée pour nos dernières bribes de souvenirs et nos épouses disparues. Le vertige est au-delà du cinéma, dans le mauvais sens qu'on peut imaginer. Un vrai tour de force d'écriture, mais sans le panache d'un chef-d'œuvre, avec une sensibilité parfois un peu prude, mais toujours émouvante, qui se dévoile au fur et à mesure. Dernier plan complètement con, c'est exactement tout ce que je veux éviter en repensant à ce film, les tours de l'esprit, le scénario tout-puissant qui écrase la vision du spectateur, peut à tout instant tout remettre en question. Non non.

Inception c'est à peine du cinéma, c'est pas vraiment du rêve mais c'est une jolie descente en enfer à l'image du mythe d'Orphée et d'Eurydice. J'aurais aimé une plus importante distorsion du temps, mais après tout, il y a aussi de cette naïveté et de cette facilité qui me plait beaucoup dans Inception ; une idée un plan, quitte à faire sauter la soi-disant cohérence bâtie pendant 2 heures : souviens-toi, nous avons vieillis ensemble, 50 ans, en quelques secondes. C'est là, à nouveau, que Nolan réussit à insuffler enfin quelque chose à ses films. Une incarnation, une raison d'être, un tout petit peu plus qu'une spirale scénaristique dont on ne peut plus sortir. Le dispositif est écrasant, certes, mais j'ai quand même l'impression que Nolan se lâche. Enfin.


9 / 10

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