MATTHEW WEINER - MAD MEN
Si David Chase me dit que je dois aimer quelque chose, je le crois. Le cas qui nous intéresse aujourd'hui est celui de Matthew Weiner, faux poète raté qui travailla avec David Chase sur l'écriture des Sopranos qui, rappelons-le (en l'absence de texte valable sur ce blog, mais quel travail ce serait) est tout simplement la série la plus intelligente, bienveillante et rigoureuse que HBO ou n'importe quelle autre chaîne n'ait jamais enfantée. Je me permets de rappeler ces quelques points car la comparaison avec la série sus-mentionnée, qui ne s'avérera pas si évidente que ça d'ailleurs, tombe sous le sens même s'il est question de thèmes communs, de contexte hyper-restreint et d'autres points de comparaison de surface. David Chase adoubait donc Matthew Weiner et ce dernier s'envolait pour AMC (la petite chaîne qui se rêve déjà grande) pour prouver qu'il était tout à fait capable de mettre au point sa propre série.
Les années soixante débutent à peine. Madison Avenue, New York. C'est ici que les agences de publicité fleurissent et s'affrontent. Sterling Cooper n'en est qu'une parmi d'autres mais c'est celle qui nous intéressera aujourd'hui. Et plus particulièrement le cas de Don Draper (et de sa famille), directeur créatif, homme de poigne au passé voilé. Très vite pourtant Mad Men, ayant le bagout de n'importe quelle grande fiction fleuve, voudra nous agiter devant les yeux une tentaculaire galerie de personnages, même si elle privilégiera un noyau dur. A savoir une secrétaire timide mais à l'esprit vif, Peggy, ainsi que Pete Campbell, responsable des comptes, jeune mais déjà aigri, aux dents longues mais à l'esprit étroit. Besogneuse entrée en matière de mon côté, vous m'en excuserez, et tout autant du côté de Mad Men qui prendra des années à véritablement s'intéresser au sort de ses personnages. Et ce dès ses débuts et son amas de micro-interactions qui s'obstine à dépeindre des désaveux et des assentiments en oubliant l'essentiel : nous pousser à s'intéresser au sort de chacun.
Des dizaines d'hommes qui s'arment de leurs verbes, combattent avec bassesse, en buvant du whisky et toujours en arborant fièrement leurs costumes. Époque oblige les hommes et femmes de couleur sont relégués aux tâches de ménagère ou d'homme d'ascenseur. Par souci historique on ne pipera mot même si j'ai toujours pensé que les hommes d'ascenseur pouvaient avoir des histoires intéressantes à raconter. Soit. Les femmes sont aussi diminuées ; elles s'entraînent à prendre le pouvoir dans leur coin mais ne peuvent que difficilement influencer leur environnement. La crise des missiles de Cuba, le suicide de Marilyn Monroe, nombre et nombre d'événements mondiaux viendront interagir avec ce petit ensemble de marionnettes, toujours pour mettre en exergue la petite histoire, comme pour se donner une légitimité à une approche parfois trop proche du documentaire social. Ça fait presque autant de bonnes raisons d'aimer Mad Men.
Sauf que Mad Men c'est le professeur de langues que vous avez eu au collège, gentillet mais qui voulait toujours trop bien faire, celui dont tout le monde se moquait en douce et non tout haut par peur d'heurter ses sentiments. La transposition des Sopranos dans un autre contexte fait parfois peur à voir : Weiner reprend l'idée d'hommes d'un autre temps (littéralement, ici), démoniaques hommes de pouvoir qui ne s'arrêteront face à aucun obstacle, et de femmes qui trament leur avenir en coulisses. Hommes de style et de bon goût ils se doivent d'en faire trop. Et tout le fil narratif prendra ce principe au pied de la lettre. Mad Men est la seule série qui me donne envie de dire des hommes français avec un accent américain snobinard, des mots comme délicat, subtil, voire même audacieux. Je ne peux pas le faire mais vous voyez ce que je veux dire. Toi, public francophone ou anglophone, Mad Men sera là pour t'apprendre plein de petites choses, de nouveaux mots compliqués mais également de véritables formules pour faire de la bonne publicité et gagner de l'argent.
Cordial à l'excès, débonnaire éventail d'hommes au gros paraître mais à la fragilité enfantine, petit caca hyper-sensible qui ne peut supporter qu'on contredise ses convictions. Il y a quelques personnalités attachantes que nous découvrirons au fur et à mesure de la série mais on sera trop souvent rappelé à la cruelle réalité d'une série sans bravoure pour vraiment s'investir auprès d'un personnage. L'exemple tout simple de Don, personnage principal, est suffisant pour parler de la série dans sa globalité. Don Draper, apprendra-t-on vite, ne s'appelle pas vraiment Don Draper. Toute la première saison consistera à nous rappeler par de gros flashbacks que cet homme fier et indépendant (mais malgré tout chef de famille aimant et inquiet) cache de lourds secrets, véritable allégorie du born again, de la seconde chance à l'américaine. Sans projet précis la série continuera à nous ressasser ses miettes du passé, intéressantes pour personne, au fur et à mesure des saisons. Car à force de vendre tout et n'importe quoi les protagonistes commencent véritablement à croire à leurs slogans un peu boiteux et quand on vendra du rouge à lèvres on parlera des secrets bien gardés des femmes envers les hommes. Et le secret deviendra corps spongieux principal de toute la série.
Mad Men s'embarrasse donc de tout le poids du monde, de non-dits et de ragots, jusqu'à en devenir boursouflé. La série accumulera les-à côtés, à la façon de son grand frère, les Sopranos, parce qu'il semblerait que la vie soit aussi faite d'à-côtés. Les storylines s'amoncellent et se perdent, chaque personnage aspirera au plus grand bien et échangera des phrases malignes plus que de véritables progressions sociales. En quelques années personne n'aura rien appris sur personne ; l'envie est pourtant là, débordante, mais on préfère croire que les longs processus sont les meilleurs et que tant qu'à avoir du temps devant soi autant défricher mille fois les mêmes sujets problématiques plutôt que de forcer deux personnages à apprendre à se connaître mutuellement. D'où le petit égocentrisme sourd de la série, ethnologie malingre et au final plus dispositif que mise en abyme. Nous apprendrons sans observer mais plutôt par esprit didactique ; rigide et pédagogue à l'excès. Nous sommes coincés dans une grille de lecture définie par d'autres, on nous harasse de souvenirs et d'explications aux comportements des personnages, comme pour nous exhorter à comprendre : parfois la vie est dure mais pour de très bonnes raisons. Vous comprendrez tout ça en voyant toute la peine qui nous accable. C'est pour ça que nos personnages sont de gentils pourris.
Finalement Don Draper, après s'être rendu compte en conclusion d'épisode d'un vecteur important de sa personnalité qu'il s'est toujours caché, s'assied sur son lit et réfléchit, mutique, à comment il a bien pu en arriver là. Et les intentions grandiloquentes et poussives, cet éternel besoin de bien faire appelle plus à Six Feet Under qu'aux Sopranos. Thèmes musicaux qui caquettent par dizaines dans une homogénéité facile et troublante, tout nous appellera à nous assoir avec Don Draper pour réfléchir au sens de la vie. Lourdeur serait un euphémisme à employer ici, je préférerais parler de somnambulisme narratif. Aucun grand projet pour la série, au contraire de beaucoup de ses aînés, même ceux qui peuvent paraître un peu bêbêtes, on comprendra vite que le racolage et le rapiéçage exposés par la série s'appliquent à la structure même de Mad Men. La série prendra donc un air de pilote automatique, de longues successions martyrisées de discours ennuyeux et de finitions qui tiennent presque de la pirouette sémantique. Beaucoup de boissons et de beaux discours pour faire semblant d'aimer être ensemble et au final nous nous asseyons sur nos lits parce que nous sommes tout tristes et que la vie est une archi-bêtise nulle où je me sentirai toujours seul. Quand la série essaie même d'en mimer d'autres c'est là qu'elle devient la plus stupide : la cruauté des Sopranos lui va mal, elle lui donne un air roublard d'homme riche qui croit encore tenir l'alcool mais qui se pisse dessus quand il va se coucher.
Le nouveau territoire de la fiction américaine c'est la tractation. Les rapports de force si présents qu'ils en deviennent unique moyen de communication. Fascinant et dangereux. En couple, au travail, dans le milieu de la politique ou même parfois de l'aventure, tout le monde l'a compris. C'est le seul enseignement que la série aura retenue. Malheureusement elle en fera continuellement un usage inadéquat. Même happé par la passion qu'on aimerait tant avoir pour certains personnages, lors d'événements tant appréhendés, la série se court-circuitera elle-même. Selon elle un mot plus intelligent vaudra mieux qu'un mot placé plus haut qu'un autre et on s'embourbera en monologues abscons et lâches alors que le répondant est, dans toute la mesure qu'il peut prendre, l'une des plus belles trouvailles là encore de la fiction télé américaine. Les choses apparaissent et nous les combattons. Dans Mad Men on courbe l'échine et on sanglote. Pas que les pleurnichards me dérangent, j'ai aussi de l'amitié pour ces gens là, mais alors qu'on arrête de me faire croire à leur force ; elle se craquèle à la moindre occasion.
Ne vous laissez par berner. On tente de vous faire croire que vous êtes intelligents alors que ce n'est peut-être pas le cas. Vous pourrez avoir beaucoup de lecture qui tenteront de vous convaincre de la même chose. Mad Men sera ce réconfort et ça pourrait fonctionner car on sent que la série a la même envie de se rassurer elle même. Mad Men c'est un livre de challenge personnel, d'auto-persuasion, c'est un coach à domicile qui vous rappellera à quel point vous êtes brillant et que vous vivez dans une époque super dans laquelle vous rayonnez. Aucune prise de risque, c'est un peu dur à dire mais Mad Men croit avoir trouvé une formule pour captiver son auditorat et l'amènera d'avantage à penser qu'à réfléchir. L'homme moderne, seul et perdu dans son environnement, dilué dans son travail et amoindri par sa famille, l'homme qui se rêve d'être grand et qui fait tout pour ne pas réparer et embrasser ses lacunes. D'où l'éternel retour de bâton qui fracasse les crânes des personnages et des spectateurs, encore et toujours, car la série sait bien qu'elle ne peut plus vivre dans le statu-quo mais d'avantage dans une immobilité simulant le changement. Un renouveau du classicisme en somme. Mise en scène par des artisans attentifs, atteignant parfois la grâce et la candeur d'un tableau d'Edward Hopper, glacial et justement parfait. Les réussites de Mad Men ne sont pas nombreuses. C'est par flemmardise qu'on s'occupera de ses personnages et qu'on continuera à les suivre. Je ne demande rien à apprendre ni même à comprendre, je ne veux seulement pas qu'en tant que spectateur on me prenne pour un ami mais plutôt pour un challenger. Et il n'y a finalement plus grand chose qui sépare Mad Men d'un téléfilm, catastrophe ou romantique, lors d'un après-midi pluvieux. Ce sont des moments de stase et de récupération, important pour repartir vers de nouvelles idées et de nouvelles aventures. Mad Men n'a rien d'entêtant ni même d'intéressant mais on sait qu'on pourra se tourner vers lui pour toutes les mauvaises raisons du monde. Envie de perdre son temps, envie de trouver un petit objet à détester, envie de se plaindre ou tout simplement de s'assoupir. Dois-je rappeler qu'à vouloir toujours bien faire et à oublier de se mettre à l'aise les jeunes gens sont souvent seuls tristes et puceaux ; mais ce sont aussi eux qui jouent le mieux aux grandes personnes.
Les années soixante débutent à peine. Madison Avenue, New York. C'est ici que les agences de publicité fleurissent et s'affrontent. Sterling Cooper n'en est qu'une parmi d'autres mais c'est celle qui nous intéressera aujourd'hui. Et plus particulièrement le cas de Don Draper (et de sa famille), directeur créatif, homme de poigne au passé voilé. Très vite pourtant Mad Men, ayant le bagout de n'importe quelle grande fiction fleuve, voudra nous agiter devant les yeux une tentaculaire galerie de personnages, même si elle privilégiera un noyau dur. A savoir une secrétaire timide mais à l'esprit vif, Peggy, ainsi que Pete Campbell, responsable des comptes, jeune mais déjà aigri, aux dents longues mais à l'esprit étroit. Besogneuse entrée en matière de mon côté, vous m'en excuserez, et tout autant du côté de Mad Men qui prendra des années à véritablement s'intéresser au sort de ses personnages. Et ce dès ses débuts et son amas de micro-interactions qui s'obstine à dépeindre des désaveux et des assentiments en oubliant l'essentiel : nous pousser à s'intéresser au sort de chacun.
Des dizaines d'hommes qui s'arment de leurs verbes, combattent avec bassesse, en buvant du whisky et toujours en arborant fièrement leurs costumes. Époque oblige les hommes et femmes de couleur sont relégués aux tâches de ménagère ou d'homme d'ascenseur. Par souci historique on ne pipera mot même si j'ai toujours pensé que les hommes d'ascenseur pouvaient avoir des histoires intéressantes à raconter. Soit. Les femmes sont aussi diminuées ; elles s'entraînent à prendre le pouvoir dans leur coin mais ne peuvent que difficilement influencer leur environnement. La crise des missiles de Cuba, le suicide de Marilyn Monroe, nombre et nombre d'événements mondiaux viendront interagir avec ce petit ensemble de marionnettes, toujours pour mettre en exergue la petite histoire, comme pour se donner une légitimité à une approche parfois trop proche du documentaire social. Ça fait presque autant de bonnes raisons d'aimer Mad Men.
Sauf que Mad Men c'est le professeur de langues que vous avez eu au collège, gentillet mais qui voulait toujours trop bien faire, celui dont tout le monde se moquait en douce et non tout haut par peur d'heurter ses sentiments. La transposition des Sopranos dans un autre contexte fait parfois peur à voir : Weiner reprend l'idée d'hommes d'un autre temps (littéralement, ici), démoniaques hommes de pouvoir qui ne s'arrêteront face à aucun obstacle, et de femmes qui trament leur avenir en coulisses. Hommes de style et de bon goût ils se doivent d'en faire trop. Et tout le fil narratif prendra ce principe au pied de la lettre. Mad Men est la seule série qui me donne envie de dire des hommes français avec un accent américain snobinard, des mots comme délicat, subtil, voire même audacieux. Je ne peux pas le faire mais vous voyez ce que je veux dire. Toi, public francophone ou anglophone, Mad Men sera là pour t'apprendre plein de petites choses, de nouveaux mots compliqués mais également de véritables formules pour faire de la bonne publicité et gagner de l'argent.
Cordial à l'excès, débonnaire éventail d'hommes au gros paraître mais à la fragilité enfantine, petit caca hyper-sensible qui ne peut supporter qu'on contredise ses convictions. Il y a quelques personnalités attachantes que nous découvrirons au fur et à mesure de la série mais on sera trop souvent rappelé à la cruelle réalité d'une série sans bravoure pour vraiment s'investir auprès d'un personnage. L'exemple tout simple de Don, personnage principal, est suffisant pour parler de la série dans sa globalité. Don Draper, apprendra-t-on vite, ne s'appelle pas vraiment Don Draper. Toute la première saison consistera à nous rappeler par de gros flashbacks que cet homme fier et indépendant (mais malgré tout chef de famille aimant et inquiet) cache de lourds secrets, véritable allégorie du born again, de la seconde chance à l'américaine. Sans projet précis la série continuera à nous ressasser ses miettes du passé, intéressantes pour personne, au fur et à mesure des saisons. Car à force de vendre tout et n'importe quoi les protagonistes commencent véritablement à croire à leurs slogans un peu boiteux et quand on vendra du rouge à lèvres on parlera des secrets bien gardés des femmes envers les hommes. Et le secret deviendra corps spongieux principal de toute la série.
Mad Men s'embarrasse donc de tout le poids du monde, de non-dits et de ragots, jusqu'à en devenir boursouflé. La série accumulera les-à côtés, à la façon de son grand frère, les Sopranos, parce qu'il semblerait que la vie soit aussi faite d'à-côtés. Les storylines s'amoncellent et se perdent, chaque personnage aspirera au plus grand bien et échangera des phrases malignes plus que de véritables progressions sociales. En quelques années personne n'aura rien appris sur personne ; l'envie est pourtant là, débordante, mais on préfère croire que les longs processus sont les meilleurs et que tant qu'à avoir du temps devant soi autant défricher mille fois les mêmes sujets problématiques plutôt que de forcer deux personnages à apprendre à se connaître mutuellement. D'où le petit égocentrisme sourd de la série, ethnologie malingre et au final plus dispositif que mise en abyme. Nous apprendrons sans observer mais plutôt par esprit didactique ; rigide et pédagogue à l'excès. Nous sommes coincés dans une grille de lecture définie par d'autres, on nous harasse de souvenirs et d'explications aux comportements des personnages, comme pour nous exhorter à comprendre : parfois la vie est dure mais pour de très bonnes raisons. Vous comprendrez tout ça en voyant toute la peine qui nous accable. C'est pour ça que nos personnages sont de gentils pourris.
Finalement Don Draper, après s'être rendu compte en conclusion d'épisode d'un vecteur important de sa personnalité qu'il s'est toujours caché, s'assied sur son lit et réfléchit, mutique, à comment il a bien pu en arriver là. Et les intentions grandiloquentes et poussives, cet éternel besoin de bien faire appelle plus à Six Feet Under qu'aux Sopranos. Thèmes musicaux qui caquettent par dizaines dans une homogénéité facile et troublante, tout nous appellera à nous assoir avec Don Draper pour réfléchir au sens de la vie. Lourdeur serait un euphémisme à employer ici, je préférerais parler de somnambulisme narratif. Aucun grand projet pour la série, au contraire de beaucoup de ses aînés, même ceux qui peuvent paraître un peu bêbêtes, on comprendra vite que le racolage et le rapiéçage exposés par la série s'appliquent à la structure même de Mad Men. La série prendra donc un air de pilote automatique, de longues successions martyrisées de discours ennuyeux et de finitions qui tiennent presque de la pirouette sémantique. Beaucoup de boissons et de beaux discours pour faire semblant d'aimer être ensemble et au final nous nous asseyons sur nos lits parce que nous sommes tout tristes et que la vie est une archi-bêtise nulle où je me sentirai toujours seul. Quand la série essaie même d'en mimer d'autres c'est là qu'elle devient la plus stupide : la cruauté des Sopranos lui va mal, elle lui donne un air roublard d'homme riche qui croit encore tenir l'alcool mais qui se pisse dessus quand il va se coucher.
Le nouveau territoire de la fiction américaine c'est la tractation. Les rapports de force si présents qu'ils en deviennent unique moyen de communication. Fascinant et dangereux. En couple, au travail, dans le milieu de la politique ou même parfois de l'aventure, tout le monde l'a compris. C'est le seul enseignement que la série aura retenue. Malheureusement elle en fera continuellement un usage inadéquat. Même happé par la passion qu'on aimerait tant avoir pour certains personnages, lors d'événements tant appréhendés, la série se court-circuitera elle-même. Selon elle un mot plus intelligent vaudra mieux qu'un mot placé plus haut qu'un autre et on s'embourbera en monologues abscons et lâches alors que le répondant est, dans toute la mesure qu'il peut prendre, l'une des plus belles trouvailles là encore de la fiction télé américaine. Les choses apparaissent et nous les combattons. Dans Mad Men on courbe l'échine et on sanglote. Pas que les pleurnichards me dérangent, j'ai aussi de l'amitié pour ces gens là, mais alors qu'on arrête de me faire croire à leur force ; elle se craquèle à la moindre occasion.
Ne vous laissez par berner. On tente de vous faire croire que vous êtes intelligents alors que ce n'est peut-être pas le cas. Vous pourrez avoir beaucoup de lecture qui tenteront de vous convaincre de la même chose. Mad Men sera ce réconfort et ça pourrait fonctionner car on sent que la série a la même envie de se rassurer elle même. Mad Men c'est un livre de challenge personnel, d'auto-persuasion, c'est un coach à domicile qui vous rappellera à quel point vous êtes brillant et que vous vivez dans une époque super dans laquelle vous rayonnez. Aucune prise de risque, c'est un peu dur à dire mais Mad Men croit avoir trouvé une formule pour captiver son auditorat et l'amènera d'avantage à penser qu'à réfléchir. L'homme moderne, seul et perdu dans son environnement, dilué dans son travail et amoindri par sa famille, l'homme qui se rêve d'être grand et qui fait tout pour ne pas réparer et embrasser ses lacunes. D'où l'éternel retour de bâton qui fracasse les crânes des personnages et des spectateurs, encore et toujours, car la série sait bien qu'elle ne peut plus vivre dans le statu-quo mais d'avantage dans une immobilité simulant le changement. Un renouveau du classicisme en somme. Mise en scène par des artisans attentifs, atteignant parfois la grâce et la candeur d'un tableau d'Edward Hopper, glacial et justement parfait. Les réussites de Mad Men ne sont pas nombreuses. C'est par flemmardise qu'on s'occupera de ses personnages et qu'on continuera à les suivre. Je ne demande rien à apprendre ni même à comprendre, je ne veux seulement pas qu'en tant que spectateur on me prenne pour un ami mais plutôt pour un challenger. Et il n'y a finalement plus grand chose qui sépare Mad Men d'un téléfilm, catastrophe ou romantique, lors d'un après-midi pluvieux. Ce sont des moments de stase et de récupération, important pour repartir vers de nouvelles idées et de nouvelles aventures. Mad Men n'a rien d'entêtant ni même d'intéressant mais on sait qu'on pourra se tourner vers lui pour toutes les mauvaises raisons du monde. Envie de perdre son temps, envie de trouver un petit objet à détester, envie de se plaindre ou tout simplement de s'assoupir. Dois-je rappeler qu'à vouloir toujours bien faire et à oublier de se mettre à l'aise les jeunes gens sont souvent seuls tristes et puceaux ; mais ce sont aussi eux qui jouent le mieux aux grandes personnes.
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