jeudi 1 octobre 2009

Lost 5.14 récapitulation



* Solide introduction à ce qui sera le dernier acte de la saison (on nous présente les enjeux, les conflits, les possibilités). Jeremy Davies nous prouve qu'il n'a rien à envier à Michael Emerson ou à Terry O'Quinn. Les camps sont donc dressés, les missions assignées : on n'a plus qu'à attendre que tout ce petit monde se mette joyeusement sur la gueule d'ici la fin de saison.

* Pour une fois un personnage qui a un Œdipe irrésolu mais qui préfère séduire sa mère plutôt que de buter son père sans réfléchir (il ne le connait pas, c'est peut-être pour ça). Je ne crois pas avoir la réponse un jour mais quand même, mis à part pour camoufler la petite faiblesse du ressort scénaristique (la révélation de l'identité du père de Faraday : Charles Widmore) et probablement prouver que les scénaristes inventent effectivement pas mal de l'histoire en chemin, j'aimerais bien savoir un jour pourquoi Daniel porte ce patronyme. Un éventuel père adoptif ? C'est le problème de la mort dans Lost : on reste malgré tout à se poser encore beaucoup de questions sur le personnage concerné. Car pour moi nous avons assisté au râle de Daniel ; je ne le vois pas sauvé in extremis la semaine prochaine. Ça détruirait toute la tension (totalement cruelle) bâtie au fur et à mesure de l'épisode. Penny n'aura jamais connu son demi-frère, Daniel n'aura jamais appris l'identité de son père, sans même parler du "sacrifice" d'Eloïse Hawking et des réflexions qui ont dû traverser l'esprit de Faraday lors de ses derniers instants. On atteint là le paroxysme de la cruauté fictionnelle (peut-être même plus qu'avec Nikki & Paolo enterrés vivants).

* Bon côté de la mort d'un personnage dans Lost : rien ne lui interdit de réapparaître faire un petit coucou en tant qu'apparition de l'île, fantôme ou juste dans un flashback. J'espère. Jeremy Davies et son personnage étaient une belle addition à l'univers de la série.

* On déploie donc, du début à la fin de l'épisode, beaucoup d'explications sur la personnalité de Daniel. Tous ses actes de la saison précédente étaient donc conditionnés par un énorme trouble de mémoire. On comprend donc qu'après la visite de Desmond (The Constant, saison dernière) Daniel a continué ses recherches sur le voyage dans le temps. Sa chère Theresa s'est retrouvée "délogée du temps" et comateuse et lui grandement diminué. On revient donc sur beaucoup de choses. L'île l'a guérie et lui a permis de partir pendant 3 ans à Ann Harbor pour étudier on ne sait trop quoi et en revenir plein de nouvelles convictions.

* Il y a aussi un joli gunfight.

* Dernier clou dans le cercueil : la confirmation orale, de Widmore lui-même, concernant le faux crash du vol 815 qu'il a mis en scène. Certains croient encore qu'il aurait pu mentir (pour des raisons qui commencent à me dépasser) mais je pense que malgré tout Lost essaie de garder un petit souci de lisibilité et qu'on peut donc prendre la déclaration de Widmore pour argent comptant.

* On se demande quel sera l'avenir de Desmond & Penny après l'épisode de l'hôpital. Cette déclaration vaut-elle comme preuve qu'il ne quittera plus jamais sa Penny ? Faraday nous expliquait pourtant en début de saison que Desmond était "un miracle", probablement à cause de son exposition à l'énergie débordante de l'île après avoir tourné la clé, fin de saison 2, au moment où la Swan Station faisait des siennes (information à confirmer bien évidemment). En tout cas ma première réaction après le moment du câlin Penny/Desmond aura été de m'inquiéter pour le petit Charlie. Widmore aurait très bien pu en profiter pour le kidnapper et ainsi forcer Desmond à retourner sur l'île (pour l'utiliser dans sa guerre personnelle). Cela me semble à peu près la seule option envisageable en ce qui concerne l'éventuel retour de Desmond sur l'île (après le fiasco de la tentative de meurtre sur Penny qui aurait constitué également une raison valable et convaincante).

* Quelques scènes exemplaires : Charlotte répète "I'm not allowed to have chocolate before dinner", ses derniers mots, devant Daniel. Un moment tire-larmes mais absolument efficace. Je parlais précédemment de la cruauté de la dernière scène, on peut également s'interroger sur son sens. Il faut sûrement se dire que Faraday n'a pas toute sa tête et qu'il a perdu les pédales, mais tout de même : foncer tête baissée pour menacer Richard Alpert déguisé en membre de la Dharma Initiative, ça tient quasiment du suicide. Peut-être qu'à un certain niveau de son inconscient Daniel avait une véritable envie de mort (car empêcher l'Incident en 4 heures en faisant exploser une bombe à hydrogène tout en évacuant l'ensemble de l'île, c'est quand même un sacré boulot) et qu'il espérait que quelqu'un (comme Jack) pourrait prendre le flambeau. En plus si Jack réussit, si la bombe explose, le vol 815 ne s'écrase pas. Donc Daniel Faraday et tous les membres de l'expédition fomentée par Widmore ne partent par sur l'île. Donc Faraday est sauvé, "ressuscité" ? Je reviendrai sur cette idée plus tard.

* L'un des grands mystères de Faraday est son journal et la fameuse phrase "If anything goes wrong Desmond Hume will be my constant". On a souvent théorisé sur le fait qu'à l'image de la boussole échangée à l'infini entre Alpert et Locke le journal pourrait être un de ses objets qui voyage du futur dans le passé. J'ai longtemps cru que Faraday remplirait son carnet pendant l'époque Dharma pour le passer à sa mère en 77. On comprend maintenant que si Faraday regardait souvent son journal d'un air ahuri c'était parce que sa mémoire lui faisait défaut et qu'il avait presque tout oublié de ses recherches passées. Après, il est possible que sa mère (ou quelqu'un d'autre), en 77, garde le journal et en fasse quelque chose. Gros point noir mystérieux : pourquoi, en lisant son journal, Faraday réussi à prévoir l'heure d'arrivée précise du Dr. Chang à The Orchid ? Est-ce parce qu'il a passé sa jeunesse (années 80/90 donc) à étudier l'histoire (dans les détails) de la DHARMA ? Peut-être bien.

* L'incident serait donc l'énergie électromagnétique de l'île qui "surchauffe" et se libère pour bouleverser ses habitants. Cela entraînerait donc la condamnation de The Swan et la création du protocole du bouton. C'était déjà plus ou moins ce qu'on imaginait. A moins que Jack vienne mettre son grain de sel et, sans forcément changer le passé, fasse quelque chose de différent qui constitue le véritable "incident".

* Miss Hawking fait figure d'ultime mystère de l'épisode (et de la série) après The Variable. Comment connaît-elle l'avenir ? Est-ce un don offert par l'île ? A-t-elle gardé le journal de son fils pour y apprendre toutes ces informations ? Probablement pas car en saison 3 (Flashes before your eyes) elle prédit à Desmond la mort d'un homme aux chaussures rouges. Elle a donc un réel don de voyance. Alors pourquoi jeter son fils dans la gueule du loup ? Doit-elle agir de cette manière pour que son fils entame une action bien précise ou respecte-t-elle juste les "règles universelles du destin" qui disent qu'elle doit répéter ce schéma d'événements car c'est comme ça que les choses se sont passées à l'origine ?

* Miss Hawking dit travailler pour le destin. Pourtant le destin, par définition, n'a besoin de personne et est impossible à empêcher ou à forcer. Cette belle excuse qu'elle utilise elle y croit peut-être (encore un personnage leurré, comme beaucoup) mais je pense que son employeur est bien plus palpable que le destin. L'île, Jacob peut-être, lui donne ses instructions. Et quand elle force Faraday à rejoindre l'île elle ne fait pas le travail du destin mais elle remplit simplement une tâche qui lui a été assignée.

* La variable est-elle un leurre ? Est-ce que Desmond, le seul (prouvé) qui peut changer le passé est la variable ? Miss Hawking dit ne plus réussir à prédire l'avenir uniquement parce que Faraday est entré en contact avec Desmond dans le passé ce qui a changé le cours des événements que Hawking connaît sûrement par cœur. Dans ce qui ressemble de plus en plus à une irrémédiable boucle Desmond a jeté un grain de sable dans la mécanique. Est-ce que cela sera suffisant pour changer quelque chose au passé ? A moins que Desmond atteigne 1977, je ne pense pas.

* Il aura fallu 3 ans à Ann Harbor pour que Faraday revienne et se dise que, finalement, sa fameuse théorie du "Whatever happened, happened" était caduque ? C'est ça, un génie ? Non. Je pense simplement que Faraday a décidé d'agir en homme et de se battre contre les éléments, sa raison en tête, et toutes les preuves scientifiques. Par amour pour Charlotte il aura décidé de tout faire pour changer le passé. Et comme on nous l'a déjà prouvé de nombreuses fois (épisode 10, he's our you, Sayid tire sur Ben et Kate tente de le sauver par la suite) c'est en essayant de changer le passé qu'irrémédiablement on le précipite. Et tout ce à quoi on assiste dans cet épisode, la demande d'évacuation adressée à Chang, le discours de Faraday à la petite Charlotte, sa mort, continue à nous prouver que rien ne peut-être changé dans le passé ; que tout continue à avancer lentement le long du fil du temps. C'est cette bataille titanesque contre la raison qui donne beaucoup de saveur à cette fin de saison.

* Ce centième épisode constitue en tant que tel une grande ouverture théorique qui caresse dans le sens du poil mon côté puriste, mon côté fanatique acharné de la première saison de Lost. Je veux dire par là qu'on nous arrose de belles histoires, de destins incroyables, de batailles plus grandes que n'importe lequel d'entre nous mais qu'au fond on est complètement berné par le geste, par la coquille, mais que l'œuf reste totalement vide à nos yeux. S'il y a vraiment une guerre qui se prépare nous n'en connaissons pour le moment aucun détail. Et la série prouve bien qu'elle possède des scénaristes de talent qui sont capables de vider leur récit des informations les plus essentielles (à savoir : qui contre qui, pourquoi, qui est-on) pour ne mettre en valeur (et en vigueur) que les mécanismes et les ressorts offerts par le médium. On reste dans cette zone sombre entre le bluff et le génie, celle où il nous est interdit de savoir si les scénaristes savent où ils vont (ils nous le disent mais au fond, qu'est ce qui nous le prouve ?) où s'ils déploient devant nous une ossature lourde du roman d'aventure moderne où chaque pièce sera, en fait, interchangeable. Comme un traité ou un petit manuel. Souvenez vous, au début de Lost chaque personnage n'incarnait qu'un cliché, le sauveur, l'illuminé, le badguy, la belle pépée. Et c'est en travaillant au corps ces clichés que Lost a gagné en qualité et en maturité. Pourtant au départ ces personnages ne représentaient que des figures de la littérature moderne et c'est par leurs interactions qu'on s'excitait ; on ne savait même pas vraiment qui était ces gens. Maintenant nous avons avancé. Nous savons globalement à qui nous avons affaire. Pourtant, je persiste : cette saison nous aura aidé à poser un cadre (avec les égyptiens, le retour dans le passé, etc.) mais nous sommes encore totalement aveugles face à la guerre qui se prépare et le véritable fond de l'histoire même de Lost. Et avec The Variable les scénaristes tirent la laisse d'un coup sec et nous empêchent de baver : si on avait cru comprendre quelque chose de tout ce marasme c'est que nous nous étions bien fourvoyé. Ils nous prouvent à nouveau qu'ils sont les seuls vrais maîtres à bord.

* La bombe soulève un grand paradoxe. Je suis persuadé que Jack voudra la déclencher pour mettre en œuvre le projet de Faraday. Et honnêtement cela semble tout indiqué : l'île a tout de même "transporté" Jack et les autres en '77 et si j'essayais de trouver un sens à cela, à la place de Jack, je me dirais que je dois empêcher toute la misère que j'ai vue dans le futur. Mais quel est le procédé exact, Jack doit-il détruire la poche d'énergie sous la station The Swan ou toute l'île ? Kate paraphrase Locke en expliquant "qu'effacer tout ce qu'on a vécu est un acte de folie". Malgré la mort de Mister Eko, de Charlie, de Boone ou encore de Faraday, tous ces sacrifices ont un sens, un but que cherche à atteindre l'île ; on commence à en être persuadé. Jack, encore une fois, se complaira dans l'erreur (mais cette fois-ci je comprends bien ses raisons) en essayant de changer le passé (ce qui, je pense, reste chose impossible).

* Le paradoxe en question est donc celui-ci : comment Jack pourrait empêcher l'incident (en 1977) si le vol 815 ne s'écrase pas sur l'île en 2004 (mais atteint Los Angeles) et donc que Jack n'a aucune idée de ce qu'est l'île ? On atteint avec l'idée de la bombe empêchant l'incident l'exemple parfait du paradoxe temporel. Jack ne peut pas empêcher l'Incident en 1977 car cela l'empêcherait d'atteindre l'île (une première puis une seconde fois) et cela l'empêcherait donc de revenir dans le passé pour empêcher l'incident. C'est les limites de la petite logique (de fiction) du voyage dans le temps. Il ne faut pas trop s'interroger sur ces histoires de fous. Dans l'essence on reste dans le territoire du "Whatever happened, happened" (je commence à devenir au moins aussi rabâcheur que Faraday). C'est un peu comme si quelqu'un voyageait dans le passé pour tuer son propre père (parce que son père serait un bourreau d'enfants par exemple) en occultant totalement le fait que tuer son père entraînera sa propre "extinction" et nous mettra face à une sorte de dilemme chaotique de proportion démente : tuer mon père m'empêche de venir au monde et donc de tuer mon père. Certaines nouvelles de la littérature de science-fiction ont entraîné la fin du monde pour moins que ça.

* Impossible de déclencher Jughead donc et d'empêcher l'incident. La destiné, ou une force, ou l'île elle-même, l'empêchera. Sauf qu'on a l'impression que ça fait déjà des années qu'on nous saoule avec ce "whatever happened happened" et que cela ne serait pas très étonnant si les auteurs choisissaient ce moment pour inverser la vapeur et nous montrer l'inverse.

* Le cliffhanger final de la saison sera-t-il l'explosion de l'île et le futur modifié ? Une nouvelle réalité ? Quelque chose d'à nouveau plein de confusion et d'audace ? Je ne suis pas sûr d'apprécier l'idée. Remettre les compteurs à zéro, annuler cinq saisons de très bonne télévision, ne serait-ce pas l'acte de trop qui rendra les fans furieux ? Et j'espère avant tout que (car on peut s'y attendre bien sûr) la dernière scène de la saison, scène à tous les coups folle furieuse et spectaculaire (surnommée cette année The Fork in the Outlet, littéralement la fourchette dans la prise électrique), ne consistera pas en un événement que j'ai pu (et que tout le monde a pu) deviner trois épisodes à l'avance. Moi, je veux qu'on m'appâte avec quelque chose de brillant pour mieux me prendre par derrière et me frapper sur la nuque avec un bâton !

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