Il y a des chaînes mais pas tellement de souffrance

DAVY CHOU - LE PREMIER FILM DE DAVY CHOU

J'imagine qu'il y a un seuil. En dessous un objet n'est rien pour moi. Au dessus il capte (et mérite ainsi) toute mon attention. C'est bref et intense. Aléatoire. Mince et dangereux.

On l'entend s'éteindre, le cinéma, à travers quelques paroles. Un testament enregistré par l'une des plus grandes voix du cinéma Américain. Une foultitude de sons nous agresse. A force de mutations et d'éclaircissements la musique paraît et nous cueille. Nous voilà en son sein. L'intime nous apparaît ainsi de plus en plus distinctement : la salle de bain, qu'est ce qu'il y a de plus intime ? Nos yeux se portent partout ; on découvre tout.
Il y a un personnage qui m'est étranger mais aucunement distant. Cet homme qui se découvre au fur et à mesure, sans grâce, évidemment sans artifice, sans calcul (réellement par courage). Je suis ému quand il se décide à « couper les fils » qui faisaient de lui une image, un artefact. Las, il grandit. Il y a des chaînes mais pas tellement de souffrance.
Il y a quelqu'un qui ose se dévoiler et cette musique incroyable (qui retraverse styles usités et références cinématographiques avec plaisir ; qui montre ceux-ci comme désuets, fonctionnels certes, mais avant tout comme fusion minable entre image léchée et musique poseuse. C'est ce qui a été dans le cinéma. C'est ce qui fait rire « le premier film de Davy Chou »).
En ne nous munissant d'aucune balise, spatiale ou temporelle, on ne peut que s'attacher à la prévalence de ce corps, ignoble et pourtant seule possibilité d'attention. On comprend que beaucoup d'honnêteté lui est rattaché. L'objet-corps, reflet du visage, devient reflet d'autre chose. De quelqu'un. Et en une dernière égratignure l'homme perce sincèrement l'espace. Le coup de poing et la violence deviennent enfin moyen d'ouvrir les peaux et les yeux.