C'est ici que l'identité se dilue dans la musique. Là où le son n'a ni école ni maître mais où, on en a bien l'impression, il tente de s'éduquer lui-même. Bran Van 3000 utilise la recette depuis plus de dix ans et Glee, leur premier album, est la parfaite introduction à leur travail. Le petit collectif est connu sans qu'on le sâche. Ses pièces sont souvent réutilisées pour les publicités où tout autre support qui nécessite un accompagnement musical tout en pouvant se permettre d'être un fourre-tout négligé et fédérateur. Toucher à tout pour toucher tout le monde. Mais touche-t-on ainsi les gens aux bons endroits ? La production musicale ou tout autre type de production, l'analyse, l'instruction, de nombreuses disciplines m'ont déjà prouvé qu'elles fonctionnaient sur le principe d'une mécanique ténue et efficace : la part de talent et de brillance équivaut à une dose égale de bluff. Rendre une position respectable demande un bagou qui s'inscrit comme véritable discipline rhétorique. Bran Van 3000 en prend la mesure mais ne s'embarrasse pas à convaincre qui que ce soit. Le collectif Québécois préfère calculer sa progression et s'enfoncer (ou avancer, c'est au choix) dans la bizarrerie et l'esbroufe pour composer des cocktails. Parfois, comme sur « Drinking in L.A. », leur premier single reconnu, on prend le temps de mettre les pions en place et de faire en sorte que l'auditeur se sente comme un coq en pâte. « Rainshine » bouleversera l'ensemble en convoquant voix douce et mélancolie musicale ; et tentera ensuite de faire rimer le problème avec un reggae sirupeux et papillonnant. Et même dans nos cauchemars les plus fous, ceux peuplés par la mollesse de Birdy Nam Nam et les pires morceaux de Martin Solveig, on aurait pu imaginer ce qui sera la signature de Bran Van 3000. La bouillie sautillante, le regard affable mais creux, le principe du verre troué (le son) qu'on tente désespérément de vider dans un second verre (nous) pour ne pas tout perdre. Mais ce verre est troué également. Alors on répète l'opération comme des débiles jusqu'à avoir tout perdu. On s'en doute, ça permet des moments franchement cocasses et hilarants sur une courte durée. Bran Van 3000, en pensant que l'expression peut être de tout le monde pour tout le monde, perd toute sa substance et sa cohérence en quelques tours de manivelles. Portishead, DJ Shadow, Public Enemy, Alicia Keys, tout y ressemble sans en avoir le goût originel. Il n'y a pas de limite, tout le monde est prêt à mourir sous les couleurs de Bran Van 3000. Et de notre côté tout le liquide nous passe à côté des oreilles, car après tout MTV raconte la même histoire depuis des années les images en plus. Et le pouvoir de zapper et de se transformer, en quelque sorte, en son propre DJ, voilà une activité bien plus confortable que l'écoute d'un album très bien résumé par sa propre pochette : un arrêt sur image au moment exact où un daim s'apprête à faire caca sur un lapin. Et voilà. Il y a des ratés mais il y a aussi (comme prévu) quelques réussites très vite attachantes comme « Old School » (on pleure le vieux hardrock tout en se consolant par la danse disco, incroyable) ou ce tout petit « Exactly Like Me », bluette totalement imprécise qui semble venir du cœur de quelqu'un (mais qui est-ce à la fin, qui est là à l'intérieur de Bran Van 3000 et tente de le faire vivre sous respirateur ?). Bran Van 3000 s'édicte le principe de création/récupération comme hygiène de vie : chaque idée est valable tant qu'elle reste à l'intérieur. Il faudra ensuite allier savamment talent et confiance pour s'auto-persuader d'être dans le vrai et s'appliquer à ce que tout le monde croit en notre justesse de mots et d'esprit. Toujours prétendre savoir ce qu'on fait ; je crois ne pas voir d'autre moyen de réussir ce qu'on entreprend. Avoir l'air plus intelligent qu'un autre pour s'insérer dans la grande pyramide hiérarchique des gens de bon goût, instruits, ceux qui savent. J'en connais quelques uns. Certains me convainquent. D'autres sont tout simplement des putains d'opportunistes qui croient qu'on peut garder la fiente dans la bouche un moment et la recracher dans notre dos ; et l'instant d'après nous raconter des histoires supposées captivantes. Mais enfin ça sent toujours la merde.
mardi 6 janvier 2009
La théorie du bluff
BRAN VAN 3000 - GLEE
C'est ici que l'identité se dilue dans la musique. Là où le son n'a ni école ni maître mais où, on en a bien l'impression, il tente de s'éduquer lui-même. Bran Van 3000 utilise la recette depuis plus de dix ans et Glee, leur premier album, est la parfaite introduction à leur travail. Le petit collectif est connu sans qu'on le sâche. Ses pièces sont souvent réutilisées pour les publicités où tout autre support qui nécessite un accompagnement musical tout en pouvant se permettre d'être un fourre-tout négligé et fédérateur. Toucher à tout pour toucher tout le monde. Mais touche-t-on ainsi les gens aux bons endroits ? La production musicale ou tout autre type de production, l'analyse, l'instruction, de nombreuses disciplines m'ont déjà prouvé qu'elles fonctionnaient sur le principe d'une mécanique ténue et efficace : la part de talent et de brillance équivaut à une dose égale de bluff. Rendre une position respectable demande un bagou qui s'inscrit comme véritable discipline rhétorique. Bran Van 3000 en prend la mesure mais ne s'embarrasse pas à convaincre qui que ce soit. Le collectif Québécois préfère calculer sa progression et s'enfoncer (ou avancer, c'est au choix) dans la bizarrerie et l'esbroufe pour composer des cocktails. Parfois, comme sur « Drinking in L.A. », leur premier single reconnu, on prend le temps de mettre les pions en place et de faire en sorte que l'auditeur se sente comme un coq en pâte. « Rainshine » bouleversera l'ensemble en convoquant voix douce et mélancolie musicale ; et tentera ensuite de faire rimer le problème avec un reggae sirupeux et papillonnant. Et même dans nos cauchemars les plus fous, ceux peuplés par la mollesse de Birdy Nam Nam et les pires morceaux de Martin Solveig, on aurait pu imaginer ce qui sera la signature de Bran Van 3000. La bouillie sautillante, le regard affable mais creux, le principe du verre troué (le son) qu'on tente désespérément de vider dans un second verre (nous) pour ne pas tout perdre. Mais ce verre est troué également. Alors on répète l'opération comme des débiles jusqu'à avoir tout perdu. On s'en doute, ça permet des moments franchement cocasses et hilarants sur une courte durée. Bran Van 3000, en pensant que l'expression peut être de tout le monde pour tout le monde, perd toute sa substance et sa cohérence en quelques tours de manivelles. Portishead, DJ Shadow, Public Enemy, Alicia Keys, tout y ressemble sans en avoir le goût originel. Il n'y a pas de limite, tout le monde est prêt à mourir sous les couleurs de Bran Van 3000. Et de notre côté tout le liquide nous passe à côté des oreilles, car après tout MTV raconte la même histoire depuis des années les images en plus. Et le pouvoir de zapper et de se transformer, en quelque sorte, en son propre DJ, voilà une activité bien plus confortable que l'écoute d'un album très bien résumé par sa propre pochette : un arrêt sur image au moment exact où un daim s'apprête à faire caca sur un lapin. Et voilà. Il y a des ratés mais il y a aussi (comme prévu) quelques réussites très vite attachantes comme « Old School » (on pleure le vieux hardrock tout en se consolant par la danse disco, incroyable) ou ce tout petit « Exactly Like Me », bluette totalement imprécise qui semble venir du cœur de quelqu'un (mais qui est-ce à la fin, qui est là à l'intérieur de Bran Van 3000 et tente de le faire vivre sous respirateur ?). Bran Van 3000 s'édicte le principe de création/récupération comme hygiène de vie : chaque idée est valable tant qu'elle reste à l'intérieur. Il faudra ensuite allier savamment talent et confiance pour s'auto-persuader d'être dans le vrai et s'appliquer à ce que tout le monde croit en notre justesse de mots et d'esprit. Toujours prétendre savoir ce qu'on fait ; je crois ne pas voir d'autre moyen de réussir ce qu'on entreprend. Avoir l'air plus intelligent qu'un autre pour s'insérer dans la grande pyramide hiérarchique des gens de bon goût, instruits, ceux qui savent. J'en connais quelques uns. Certains me convainquent. D'autres sont tout simplement des putains d'opportunistes qui croient qu'on peut garder la fiente dans la bouche un moment et la recracher dans notre dos ; et l'instant d'après nous raconter des histoires supposées captivantes. Mais enfin ça sent toujours la merde.
C'est ici que l'identité se dilue dans la musique. Là où le son n'a ni école ni maître mais où, on en a bien l'impression, il tente de s'éduquer lui-même. Bran Van 3000 utilise la recette depuis plus de dix ans et Glee, leur premier album, est la parfaite introduction à leur travail. Le petit collectif est connu sans qu'on le sâche. Ses pièces sont souvent réutilisées pour les publicités où tout autre support qui nécessite un accompagnement musical tout en pouvant se permettre d'être un fourre-tout négligé et fédérateur. Toucher à tout pour toucher tout le monde. Mais touche-t-on ainsi les gens aux bons endroits ? La production musicale ou tout autre type de production, l'analyse, l'instruction, de nombreuses disciplines m'ont déjà prouvé qu'elles fonctionnaient sur le principe d'une mécanique ténue et efficace : la part de talent et de brillance équivaut à une dose égale de bluff. Rendre une position respectable demande un bagou qui s'inscrit comme véritable discipline rhétorique. Bran Van 3000 en prend la mesure mais ne s'embarrasse pas à convaincre qui que ce soit. Le collectif Québécois préfère calculer sa progression et s'enfoncer (ou avancer, c'est au choix) dans la bizarrerie et l'esbroufe pour composer des cocktails. Parfois, comme sur « Drinking in L.A. », leur premier single reconnu, on prend le temps de mettre les pions en place et de faire en sorte que l'auditeur se sente comme un coq en pâte. « Rainshine » bouleversera l'ensemble en convoquant voix douce et mélancolie musicale ; et tentera ensuite de faire rimer le problème avec un reggae sirupeux et papillonnant. Et même dans nos cauchemars les plus fous, ceux peuplés par la mollesse de Birdy Nam Nam et les pires morceaux de Martin Solveig, on aurait pu imaginer ce qui sera la signature de Bran Van 3000. La bouillie sautillante, le regard affable mais creux, le principe du verre troué (le son) qu'on tente désespérément de vider dans un second verre (nous) pour ne pas tout perdre. Mais ce verre est troué également. Alors on répète l'opération comme des débiles jusqu'à avoir tout perdu. On s'en doute, ça permet des moments franchement cocasses et hilarants sur une courte durée. Bran Van 3000, en pensant que l'expression peut être de tout le monde pour tout le monde, perd toute sa substance et sa cohérence en quelques tours de manivelles. Portishead, DJ Shadow, Public Enemy, Alicia Keys, tout y ressemble sans en avoir le goût originel. Il n'y a pas de limite, tout le monde est prêt à mourir sous les couleurs de Bran Van 3000. Et de notre côté tout le liquide nous passe à côté des oreilles, car après tout MTV raconte la même histoire depuis des années les images en plus. Et le pouvoir de zapper et de se transformer, en quelque sorte, en son propre DJ, voilà une activité bien plus confortable que l'écoute d'un album très bien résumé par sa propre pochette : un arrêt sur image au moment exact où un daim s'apprête à faire caca sur un lapin. Et voilà. Il y a des ratés mais il y a aussi (comme prévu) quelques réussites très vite attachantes comme « Old School » (on pleure le vieux hardrock tout en se consolant par la danse disco, incroyable) ou ce tout petit « Exactly Like Me », bluette totalement imprécise qui semble venir du cœur de quelqu'un (mais qui est-ce à la fin, qui est là à l'intérieur de Bran Van 3000 et tente de le faire vivre sous respirateur ?). Bran Van 3000 s'édicte le principe de création/récupération comme hygiène de vie : chaque idée est valable tant qu'elle reste à l'intérieur. Il faudra ensuite allier savamment talent et confiance pour s'auto-persuader d'être dans le vrai et s'appliquer à ce que tout le monde croit en notre justesse de mots et d'esprit. Toujours prétendre savoir ce qu'on fait ; je crois ne pas voir d'autre moyen de réussir ce qu'on entreprend. Avoir l'air plus intelligent qu'un autre pour s'insérer dans la grande pyramide hiérarchique des gens de bon goût, instruits, ceux qui savent. J'en connais quelques uns. Certains me convainquent. D'autres sont tout simplement des putains d'opportunistes qui croient qu'on peut garder la fiente dans la bouche un moment et la recracher dans notre dos ; et l'instant d'après nous raconter des histoires supposées captivantes. Mais enfin ça sent toujours la merde.
Libellés :
bluff,
bran van 3000,
glee,
musique
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
3 commentaires:
et moi qui naivement ecoute BV3 a mes nombreuses heures perdues,comme tant de petites gens, j'en aurait presque honte. grace a toi j'apprend tous les jours que j'ai des gouts de chiottes en matiere de musique.
mes oreilles te remercient.
Anytime. Je t'offre l'album ?
Je l'attendais vivement ton texte sur le bluff. Je suis pas déçu.
Bluff is power.
Enregistrer un commentaire