GREG MOTTOLA - SUPERBAD
C'est effrayant de parler de ce dont on aime le plus, de ceux qu'on aime le plus. L'affect fait main mise sur tout jugement envisageable. Rester concentré n'est plus une option. On a juste envie de raconter une histoire, d'en découdre, de la faire vivre, de s'y passionner et d'essayer de s'y accrocher. C'est l'histoire de Seth & Evan. Deux amis qui écrivent un scénario alors qu'ils sont au lycée. Ce scénario est l'histoire de Seth & Evan durant leurs années de lycée. Seth & Evan sont puceaux et comme tout puceaux en 2007 ils vont tenter de ramener de l'alcool à une soirée pour espérer se faire des meufs. L'année prochaine Seth & Evan seront séparés pour la première fois depuis dix ans. Mais ça ils ne veulent pas en parler.
Ce scénario c'est celui de SuperBad.
En surbrillance le rêve d'adolescent qui copule pour dire au revoir au lycée, qui ivre réussit enfin à atteindre cette posture cool dont il a tant rêvé. Ici le désespoir s'articule autour d'une fuite en avant, d'une unique journée, de celle où on espère tellement que tout va réussir qu'inévitablement tout foire. Trouver de l'alcool (donc se faire faire une fausse carte d'identité) pour entrer dans les petits papiers de deux jeunes filles sélectionnées. Elles sont cool (suffisamment), mignonnes (mais pas trop), probablement intéressées (par sécurité). C'est le plan parfait. Le dépucelage magistral, celui qu'en tant qu'homme on pourra se souvenir toute sa vie, pas avec fierté et sûrement pas pour la fille en question mais parce qu'on l'a fait comme un homme, de la façon dont nos aînés nous l'ont appris. Notre rêve de midinette masculin. Les déclarations d'amour et l'alcool mettront en exergue la véritable histoire d'amour du film, celle d'un homme envers un homme, parce que bon sang, qui se voit encore flirter et passer tout son temps avec une fille quand il a 18 ans ?
Et ainsi Seth & Evan - deux entités on ne peut plus définies, arbitraires, imbuvables, drôles et caricaturales - prendront leur envol en cette nuit de dernière année de lycée, leur envol l'un de l'autre comme ultime coup de couteau dans un cordon ombilical rapiécé, cousu avec des dessins de bites et des blagues d'adolescents. Au revoir l'enfance, au revoir l'adolescence non pas en pénétrant dans un con, non non, trop facile, mais en perdant celui qu'on a auprès de soi jour après jour, celui qu'on a de plus cher, en sachant qu'on devra avancer et tout rebâtir. Les hommes ne se plient pas aux femmes. Ni l'inverse. Chacun s'inquiétera de son intégrité, suffisamment pour envisager la relation au sexe opposé toujours d'une unique et même manière : passer du bon temps et advienne que pourra. Personne n'évolue jamais, c'est une idée idiote. Finalement chacun s'houspillera de tous les maux, on construira des murs avec nos mots et la cruauté, celle qui est tapie dans le quotidien, deviendra un acte d'aimer. La jalousie fait faire de drôles de choses. Et en son opposition celui qui doit toujours faire bonne figure, celui qui se dit lui-même « le gars gentil » et qui tente toujours d'être compréhensif, toute cette vertu n'est-elle pas symptomatique d'une peur lézardante ? Evan abolira ses relations avec Seth, lui mentira, l'insultera, l'accablera, crachera comme une bête furieuse. La dynamique d'un duo tient toujours
sur quelques petites choses ; et Evan l'avouera, simplement : « j'ai peur de vivre avec des inconnus ».
Mc Lovin n'a pas le beau rôle, il n'est l'ami de personne. Cela lui permet cependant de toujours courir vers l'inconnu, la performance, hors de lui-même, et de ne s'enticher de personne. Sa vie sera bouleversée quand il rencontrera les officiers Slater & Michaels, icônes de la fumisterie du système, sorte de Seth & Evan loosers balancés dix ans dans l'avenir, preuve que les modèles et l'establishment ne peuvent pas fonctionner à tous les coups. A sa façon il profitera et utilisera ces petites opportunités comme levier. Il n'a à dire au revoir à personne, lui, mais il tient à saluer l'homme qu'il deviendra un jour. Dans ce flashforward vitriolé et baroque d'une perspective d'avenir où il détiendra l'autorité et où il pourra enfin être seul à se juger Mc Lovin s'émancipera de toutes les barrières et usurpera toutes les identités. Opportuniste, moqueur, seul. Pour lui le lendemain ne se bâtit pas avec des gens mais avec des briques, celles là même qu'il pourra défoncer en se hissant dessus, là où il pourra toujours arborer fièrement son sourire et trouver un peu de calme.
Et le cinéma y est pluridimensionnel, voilé dans l'ambiguïté d'une mise en scène détendue, explosant au moment d'une confrontation de bons mots, réagissant face à l'adversité, mur de béton dressé face à l'adolescent, le cinéma calcule et simule l'échappatoire. Le cinéma nous rappelle que la virtualité n'est en quelque sorte que le meilleur moyen de se souvenir. Au quotidien deux garçons qui se séparent nous pouvons en trouver à profusion. Pourtant lorsque nous suivrons le chemin de cet escalator et que cet ami au loin commencera à décliner l'identité prendra la main, l'exemplarité résonnera, et même à dix-huit ans nous comprendrons que nous avons vieilli. Le poids du monde n'est pas si désagréable à ressentir en fin de compte. Car après quelques minutes, et en y réfléchissant bien, le plus important est souligné au crayon gras de mille et mille manières ; ce qui nous importe chez Seth & Evan comme en nous-mêmes c'est le geste. Je ne peux m'empêcher de le penser, rendez vous compte : il l'a sauvé.
C'est effrayant de parler de ce dont on aime le plus, de ceux qu'on aime le plus. L'affect fait main mise sur tout jugement envisageable. Rester concentré n'est plus une option. On a juste envie de raconter une histoire, d'en découdre, de la faire vivre, de s'y passionner et d'essayer de s'y accrocher. C'est l'histoire de Seth & Evan. Deux amis qui écrivent un scénario alors qu'ils sont au lycée. Ce scénario est l'histoire de Seth & Evan durant leurs années de lycée. Seth & Evan sont puceaux et comme tout puceaux en 2007 ils vont tenter de ramener de l'alcool à une soirée pour espérer se faire des meufs. L'année prochaine Seth & Evan seront séparés pour la première fois depuis dix ans. Mais ça ils ne veulent pas en parler.
Ce scénario c'est celui de SuperBad.
En surbrillance le rêve d'adolescent qui copule pour dire au revoir au lycée, qui ivre réussit enfin à atteindre cette posture cool dont il a tant rêvé. Ici le désespoir s'articule autour d'une fuite en avant, d'une unique journée, de celle où on espère tellement que tout va réussir qu'inévitablement tout foire. Trouver de l'alcool (donc se faire faire une fausse carte d'identité) pour entrer dans les petits papiers de deux jeunes filles sélectionnées. Elles sont cool (suffisamment), mignonnes (mais pas trop), probablement intéressées (par sécurité). C'est le plan parfait. Le dépucelage magistral, celui qu'en tant qu'homme on pourra se souvenir toute sa vie, pas avec fierté et sûrement pas pour la fille en question mais parce qu'on l'a fait comme un homme, de la façon dont nos aînés nous l'ont appris. Notre rêve de midinette masculin. Les déclarations d'amour et l'alcool mettront en exergue la véritable histoire d'amour du film, celle d'un homme envers un homme, parce que bon sang, qui se voit encore flirter et passer tout son temps avec une fille quand il a 18 ans ?
Et ainsi Seth & Evan - deux entités on ne peut plus définies, arbitraires, imbuvables, drôles et caricaturales - prendront leur envol en cette nuit de dernière année de lycée, leur envol l'un de l'autre comme ultime coup de couteau dans un cordon ombilical rapiécé, cousu avec des dessins de bites et des blagues d'adolescents. Au revoir l'enfance, au revoir l'adolescence non pas en pénétrant dans un con, non non, trop facile, mais en perdant celui qu'on a auprès de soi jour après jour, celui qu'on a de plus cher, en sachant qu'on devra avancer et tout rebâtir. Les hommes ne se plient pas aux femmes. Ni l'inverse. Chacun s'inquiétera de son intégrité, suffisamment pour envisager la relation au sexe opposé toujours d'une unique et même manière : passer du bon temps et advienne que pourra. Personne n'évolue jamais, c'est une idée idiote. Finalement chacun s'houspillera de tous les maux, on construira des murs avec nos mots et la cruauté, celle qui est tapie dans le quotidien, deviendra un acte d'aimer. La jalousie fait faire de drôles de choses. Et en son opposition celui qui doit toujours faire bonne figure, celui qui se dit lui-même « le gars gentil » et qui tente toujours d'être compréhensif, toute cette vertu n'est-elle pas symptomatique d'une peur lézardante ? Evan abolira ses relations avec Seth, lui mentira, l'insultera, l'accablera, crachera comme une bête furieuse. La dynamique d'un duo tient toujours
sur quelques petites choses ; et Evan l'avouera, simplement : « j'ai peur de vivre avec des inconnus ».
Mc Lovin n'a pas le beau rôle, il n'est l'ami de personne. Cela lui permet cependant de toujours courir vers l'inconnu, la performance, hors de lui-même, et de ne s'enticher de personne. Sa vie sera bouleversée quand il rencontrera les officiers Slater & Michaels, icônes de la fumisterie du système, sorte de Seth & Evan loosers balancés dix ans dans l'avenir, preuve que les modèles et l'establishment ne peuvent pas fonctionner à tous les coups. A sa façon il profitera et utilisera ces petites opportunités comme levier. Il n'a à dire au revoir à personne, lui, mais il tient à saluer l'homme qu'il deviendra un jour. Dans ce flashforward vitriolé et baroque d'une perspective d'avenir où il détiendra l'autorité et où il pourra enfin être seul à se juger Mc Lovin s'émancipera de toutes les barrières et usurpera toutes les identités. Opportuniste, moqueur, seul. Pour lui le lendemain ne se bâtit pas avec des gens mais avec des briques, celles là même qu'il pourra défoncer en se hissant dessus, là où il pourra toujours arborer fièrement son sourire et trouver un peu de calme.
Et le cinéma y est pluridimensionnel, voilé dans l'ambiguïté d'une mise en scène détendue, explosant au moment d'une confrontation de bons mots, réagissant face à l'adversité, mur de béton dressé face à l'adolescent, le cinéma calcule et simule l'échappatoire. Le cinéma nous rappelle que la virtualité n'est en quelque sorte que le meilleur moyen de se souvenir. Au quotidien deux garçons qui se séparent nous pouvons en trouver à profusion. Pourtant lorsque nous suivrons le chemin de cet escalator et que cet ami au loin commencera à décliner l'identité prendra la main, l'exemplarité résonnera, et même à dix-huit ans nous comprendrons que nous avons vieilli. Le poids du monde n'est pas si désagréable à ressentir en fin de compte. Car après quelques minutes, et en y réfléchissant bien, le plus important est souligné au crayon gras de mille et mille manières ; ce qui nous importe chez Seth & Evan comme en nous-mêmes c'est le geste. Je ne peux m'empêcher de le penser, rendez vous compte : il l'a sauvé.
9 commentaires:
Je ne m'attendais pas à tant, assfuck.
Ça s'appelle du teasing, joli garçon. Je fais monter la pression d'un cran. Et puis je crois que c'est déjà pas mal du tout, en l'état.
Pas faux.
ahahah vous êtes drôles (et je suis teasé, Hugues)
Axel, c'est un skyblog que tu aurais dû ouvrir...
un skyblog ? comprends pas, explique moi, ailleurs si tu veux
Le mec, il est explose le record de commentaires de nous tous avec une photo. Je suis vénère.
Voilà.
C'est très personnel, je ne sais même pas si je parle encore de cinéma (peut être que ce sera une critique work-in-progress que j'améliorerai tous les ans, comme celle de Syndromes & a century). Je ne serai jamais satisfait mais il était important que j'en parle. Monsieur, madame.
Je ne m'attendais pas à tant, assfuck.
Tiens je n'avais pas lu ça, c'est vraiment super, désolé d'être passé à côté.
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