vendredi 13 août 2010

Abel Ferrara - New Rose Hotel (1998)



Christopher Walken, comme à son habitude, sourit en entamant quelques pas de danse. Il a la colonne vertébrale en piteux état, il se traîne sur sa canne, mais il fait ce qu'il peut. Willem Dafoe lui tombe tendrement amoureux d'Asia Argento et qui pourrait lui en vouloir. Elle, elle s'exécute ; elle remplit son contrat mis en place par les deux autres pour séduire puis enlever un génie scientifique japonais. Trio amoureux où on se croise et se décroise, vaste ensemble de représentations, Mulholland Drive avancé d'une heure où on tente désespérément de tomber amoureux de l'autre tout en se jouant de lui. Le futur est étrangement familier, on y boit et on y danse, on arnaque et on s'échange les jeunes esprits brillants comme des denrées, Southland Tales dix ans plus tôt, où l'apocalypse pourrait se cacher à chaque coin de rue, on a pas vraiment le temps d'y réfléchir, on préfère caresser les seins nus d'Asia Argento en se laissant croire qu'un jour où pourrait être riche et tranquille.

New Rose Hotel, du nom d'un motel où un personnage se rendra pour réfléchir et panser ses plaies, raconte des bribes d'histoire que les uns les autres tentent de faire tenir debout. Ballet concupiscent, Walken voudrait la femme mais ne peut que la mettre en scène, Dafoe lui apprend l'amour et s'empêche d'en tomber amoureux, alors qu'elle nous captive et nous ment à répétition, on le sait mais on s'en fout, et même si elle sait se faire baiser elle restera intouchable. Alors pour conclure, comme un 2046 introspectif et policier de sa propre mémoire, Dafoe tentera de revenir sur les pas du film, remontera à rebours, pour brasser des dizaines de fois les mêmes souvenirs, les mêmes images, les mêmes paroles. Pour tenter d'y trouver des réponses. Était-ce de l'amour ? était-ce un piège ? Et si on n'atteint pas l'épiphanie on pourra peut-être se lover ici, dans le coin d'un souvenir, parce que le marasme incompréhensible des grandes entreprises asiatiques et de leurs guerres n'intéresse personne ; retrouver le visage de quelqu'un qu'on a pu aimer. Brillante méta-fiction fantasmatographique, dont même les protagonistes s'évertuent à creuser et à chercher les réponses jusqu'à l'instant final, pour finalement radoter les images premières, douces et toutes dans la séduction de leur public, comme si après le meurtre et la trahison la seule option envisageable serait de ré-imaginer le début du film, essayer d'en agiter le corps désarticulé en tous sens pour tromper son monde, spectateurs comme personnages ; tenter de nous faire croire que ce film déjà mort sera toujours vivant.

Aucun commentaire: