mardi 9 septembre 2008

The empire of chairs
















GRANT MORRISON & RICHARD CASE, ESSENTIELLEMENT - DOOM PATROL (RUN DE MORRISON : VOL.2 #19 À #63)


" Some say that if there were no mirrors in the world, we would never grow old; that mirrors eat time and excrete images. The moral of the story, however, escapes me. "

Il doit y avoir un meilleur monde. Un monde où terminent toutes les entités recrachées par notre univers bienséant, les petites filles au faciès simiesque, ceux qui se prennent pour Dieu et Jack l' éventreur à la fois, ceux qui veulent enfermer Paris dans un tableau : tous les monstres tristes ou désespérés. Tous traînent leurs guêtres sur Danny the Street, la rue transsexuelle consciente et toujours de bonne humeur. Tous croisent le chemin de la Doom Patrol.

Le concept d'une petite équipe (quasi-familiale) de Freaks qui inspira fort probablement les X-Men est repris par Grant Morrison entre '89 et '93 pour un enchaînement de délires visuels et d'auto-destruction narrative. Rien ne tient en place, ni les idées ni la ribambelle de dessinateurs souvent très peu talentueux qui, comme tout un chacun, essaient de comprendre où Morrison veut en venir exactement. C'est courageux de reprendre un concept bis poussiéreux et bientôt hasbeen, une équipe de second couteaux jamais très attachants ; les tirer de leurs codes et aventures ordinaires pour y incorporer une folie furieuse intransigeante. C'est ce qui sauva le titre, l'empêcha de s'éteindre (de nouveau) pendant ces quelques années. Un léger culte venait de naître ainsi que beaucoup de respect et d'admiration pour son auteur.

Voguant au creux de l'univers grâce à Danny, le personnage le plus improbable de l'histoire du comicbook DC, la Doom Patrol s'attaque à un nombre de menaces hallucinantes en espérant toujours maintenir le statu quo. D'un côté les complots gouvernementaux mobiles tentant d'éliminer toute forme d'étrangeté et de l'autre les ultrafreaks (comme The New New New Brotherhood of Dada dont Mr.Nobody, le chef de file, tente d'être élu président des Etats-Unis en déclenchant l'euphorie populaire grâce au vélo d'Albert Hoffman, l'inventeur par accident du LSD ; vélo toujours empli d'une force mystique depuis cette première expérience rocambolesque). Les uns tentent de rendre la société d'avantage extraordinaire et imprévisible, les autres veulent le contrôle absolu ; et la Doom Patrol se pose entre les deux camps, toujours molle et victorieuse, toujours sans envie. The Invisibles (du même Morrison) quelques années plus tard tentera le même coup de bluff mais pêchera encore une fois à cause de la mise en scène, la surenchère nauséeuse du bonhomme et ce qu'elle met donc de côté...



Car Morrison oublie toujours ses personnages. Ils pensent peu, s'interrogent moyennement et n'arrivent jamais à instaurer un véritable esprit d'équipe. De l'attachement entre Robotman et Crazy Jane on retiendra la seule véritable romance du récit qui ait de la saveur, un peu de sens. C'est avec ses deux dernières backissues « Planet Love » & « The empire of chairs », après le chaos et l'Armageddon évité de justesse ou peut être pas (gimmick Morrisonien un peu rétro), qu'on s'attache enfin à ses êtres de fiction qui ont terminé d'être de simples carapaces crayonnées. On s'interroge. La menace, les rebondissements et les personnages atteignent l'extrême absurdité. Celle qui est froide et fascinante. C'est dans le récit et dans le rêve et au-delà des petits traits de méta-narration (en général assez peu perspicaces) qu'on trouve un premier reflet. Des personnages qui se regardent, s'enfoncent dans les images. Abandonnent ce qu'ils défendaient il y a peu sans jamais trop y attacher d'importance. Trouvent une planète où tout n'est qu'amour pour prendre un peu de repos.

Vacuité malmenée par le trop-plein de sérieux. On apprécie les efforts dingo de Morrison et l'envie qu'il avait alors de bousculer le paysage du comicbook mainstream. Parfois, poésie et papier s'allient dans l'urgence, esquisse des principes : la désillusion est derrière chaque porte, chaque héros, chaque conspiration. On ne peut s'abandonner au monde, on ne peut s'abandonner aux histoires. L'envers devient terriblement déceptif, tout le monde s'accorde là-dessus, aucun personnage ne veut en parler. Les héros sauvent l'univers, quelques fois, sans même quelqu'un pour le remarquer. Et en croyant avancer ils s'entêtent finalement à s'enfermer sous bulle, de cases en cases, pour ne connaître non plus le vrai ou le beau, mais accepter d'être des victimes, pour ne plus trop s'inquiéter du mensonge. Que meurent les monstres ; que se figent les mortels.


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